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VOLUTES

 

Imaginons que des plongeurs, remontant des profondeurs, surgissent à la surface et, dans l’écume qui brille, laissent se disperser les traces de l’autre monde, sous-marin, d’où ils viennent. Leurs corps, encore baignés de l’indéfinissable cohésion du fond, manifestent, par la respiration, par les gestes, par l’élan vers le haut, une puissance et une harmonie nées de ce fond qui ne cesse de les soutenir au moment même où ils en effacent le souvenir, d’un seul geste, dans l’air du dehors. Dans ces gestes, dans l’eau qui jaillit autour et forme, pour un instant, des constellations où joue la lumière, s’accomplit et simultanément se dissout une expérience intime des profondeurs, aveugle, muette, radicalement informulable sinon à travers ce bond vers le dehors qu’elle rend possible et qui pourtant l’annule. La grande respiration qui, d’un coup, se produit à la surface vient du fond des fonds, son énergie en quelque sorte ruisselante prend appui sur l’insondable mais le consume aussi et transforme le rythme de l’intériorité marine en joie d’émerger dans le monde : pure dépense, ce soudain déchirement de la surface, où, le temps d’une respiration, le corps immergé mais le visage tourné vers le ciel, les nageurs tissent l’une à l’autre intériorité et extériorité comme deux mesures majeures de l’être. Imaginons les œuvres de Najia Mehadji à la manière de ces plongeurs : venues de plus loin que le visible et témoignant d’un primat de l’intériorité, qui les pousse à la surface du monde mais qui, dans sa profondeur infinie, constitue leur condition originaire.

 

Extrait du texte de Rémi Labrusse pour la monographie de Najia Mehadji. Éditions Somogy, octobre 2014.

 

 

 

VOLUTES


Imagine divers, rising up from the depths, bursting onto the surface and leaving traces in the glistening foam of the other, underwater, world they have come from. Their bodies, still bathed with the indefinable cohesion of the deep, manifest, by their breathing, movements and upward momentum, a power and harmony born of this deep that stays with them even as they erase the memory of it, by a single gesture, in the air of the outside world. In these movements, in the spurting water momentarily forming light-filled constellations, an intimate experience of the depths occurs and simultaneously dissipates; blind, mute, completely inexpressible other than through this leap to the outside it makes possible and yet is cancelled by. The big breath suddenly produced on the surface comes from the depth of the depths, its somehow streaming energy draws on the unfathomable but also consumes it and transforms the rhythm of the inner essence of the sea into the joy of emerging into the world: pure consumption, this sudden tearing of the surface, where, in one breath, their bodies submerged but their faces turned skywards, the swimmers weave together the inner and the outer like two key facets of the being. 

 

Extract from the text of Rémi Labrusse published in the monograph of Najia Mehadji. Editions Somogy, October 2014.

 

 

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