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VOLUTES

 

Imaginons que des plongeurs, remontant des profondeurs, surgissent à la surface et, dans l’écume qui brille, laissent se disperser les traces de l’autre monde, sous-marin, d’où ils viennent. Leurs corps, encore baignés de l’indéfinissable cohésion du fond, manifestent, par la respiration, par les gestes, par l’élan vers le haut, une puissance et une harmonie nées de ce fond qui ne cesse de les soutenir au moment même où ils en effacent le souvenir, d’un seul geste, dans l’air du dehors. Dans ces gestes, dans l’eau qui jaillit autour et forme, pour un instant, des constellations où joue la lumière, s’accomplit et simultanément se dissout une expérience intime des profondeurs, aveugle, muette, radicalement informulable sinon à travers ce bond vers le dehors qu’elle rend possible et qui pourtant l’annule. La grande respiration qui, d’un coup, se produit à la surface vient du fond des fonds, son énergie en quelque sorte ruisselante prend appui sur l’insondable mais le consume aussi et transforme le rythme de l’intériorité marine en joie d’émerger dans le monde : pure dépense, ce soudain déchirement de la surface, où, le temps d’une respiration, le corps immergé mais le visage tourné vers le ciel, les nageurs tissent l’une à l’autre intériorité et extériorité comme deux mesures majeures de l’être. Imaginons les oeuvres de Najia Mehadji à la manière de ces plongeurs : venues de plus loin que le visible et témoignant d’un primat de l’intériorité, qui les pousse à la surface du monde mais qui, dans sa profondeur infinie, constitue leur condition originaire.

 

Extrait du texte de Rémi Labrusse pour la monographie de Najia Mehadji. Editions Art Point, Novembre 2012.

 

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